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Les causes qui ont mené le Mexique vers son indépendance

Mexique vers son indépendance

Le curé Miguel Hidalgo y Costilla, « le père de la patrie » mexicaine, déclencha le mouvement populaire qui mènera le Mexique vers son indépendance.

En cette soirée du 15 septembre 2014 et comme chaque année, « Le Cri de Dolores » (El Grito de Dolores) retentira sur la place principale de chaque ville et de chaque village du Mexique. Cette cérémonie commémorative de l’appel du curé Miguel Hidalgo « Le Père de la Patrie » au soulèvement populaire est le prélude à la fête nationale mexicaine, qui a lieu le 16 septembre. A la veille de la date anniversaire du début du mouvement indépendantiste de 1810 qui donna au Mexique sa souveraineté, 11 ans plus tard, je vous propose de revenir sur les événements qui ont conduit un peuple à prendre les armes afin de conquérir sa liberté. La France a joué, malgré elle, un rôle clé dans l’indépendance du Mexique.

Les causes internes : des tensions sociales et une situation économique dégradée

Peinture de castes présentant les 16 combinaisons possibles, qui permettent la classification raciale dans les colonies espagnoles d’Amérique.

La conquête de l’Amérique par l’Espagne donne lieu à un métissage génétique entre les espagnols, les populations indigènes, et les esclaves noirs ramenés d’Afrique. A la fin du XVIIIe siècle, la société de la Nouvelle-Espagne se trouve divisée en castes. Les droits d’une personne, ainsi que sa condition socio-économique, sont alors presque directement liés à son lieu de naissance (en Espagne ou dans les colonies) et à son appartenance ethnique. Les groupes ethniques sont classés en fonction de la quantité de sang espagnol qui coule dans leurs veines. Le système aspire à maintenir la suprématie du sang ibérique. L’ascension sociale est rendue pratiquement impossible. Les créoles, les métisses et les indigènes vivent mal cette situation injuste.

  • 1. Español con India, Mestizo
  • 2. Mestizo con Española, Castizo
  • 3. Castizo con Española, Español
  • 4. Español con Mora, Mulato
  • 5. Mulato con Española, Morisca
  • 6. Morisco con Española, Chino
  • 7. Chino con India, Salta atrás
  • 8. Salta atras con Mulata, Lobo
  • 9. Lobo con China, Gíbaro (Jíbaro)
  • 10. Gíbaro con Mulata, Albarazado
  • 11. Albarazado con Negra, Cambujo
  • 12. Cambujo con India, Sambiaga (Zambiaga)
  • 13. Sambiago con Loba, Calpamulato
  • 14. Calpamulto con Cambuja, Tente en el aire
  • 15. Tente en el aire con Mulata, No te entiendo
  • 16. No te entiendo con India, Torna atrás

Les créoles (personnes de parents espagnols, mais nés en Amérique) nourrissent rancœur et jalousie vis-à-vis des espagnols qui ne leur permettent pas d’accéder à de hautes charges sur la terre même de leur naissance. Ils ne peuvent pas non plus commercer librement, parce que seul le commerce avec la métropole est autorisé, et les espagnols d’origine péninsulaire en possèdent le monopole. Ils se sentent donc, à juste titre, relégués à un second plan. La Nouvelle-Espagne devient le théâtre de mouvements de revendications patriotiques.

La monarchie espagnole, sous l’impulsion de Ferdinand VI puis Charles III, décide de convertir les colonies américaines en une source de richesses pour la métropole et la maison royale. Un maximum de revenus doit arriver jusqu’en Europe. Afin de s’assurer que cela se produise, ils confient tous les postes clés de la Nouvelle-Espagne à des péninsulaires.

L’exploitation minière (notamment l’or et l’argent) est l’un des piliers majeurs de l’économie coloniale. Cependant, malgré d’abondantes réserves (principalement dans les régions de Zacatecas et Guanajuato), la Nouvelle-Espagne se trouve à cette époque dans une situation de quasi-banqueroute, étouffée par les redevances chaque fois plus élevées exigées par la Couronne d’Espagne.

Les causes externes : un nouveau modèle de société plus libertaire, pensé par les Lumières, et incarné par l’Indépendance des Etat-Unis et la Révolution Française

Montesquieu a inspiré le principe de séparation des pouvoirs, élément essentiel des gouvernements républicains et démocratiques.

Pendant ce temps, les idées des Lumières se propagent en Europe et dans le monde. Leurs œuvres commencent à être connues en Espagne et dans ses colonies, même si l’Inquisition en interdit fermement la lecture. Les encyclopédistes comme Montesquieu, Voltaire et Rousseau parlent de nouveaux systèmes politiques, de la souveraineté du peuple, et de la séparation des pouvoirs.

En 1776, les Etats-Unis obtiennent leur indépendance et servent d’exemple aux pays latino-américains désireux de se gouverner par eux-mêmes. Les principes de la Constitution Américaine, démocratiques et populaires, apparaissent comme un archétype souhaitable aux yeux de certains intellectuels créoles. En 1789, la Révolution éclate en France. La monarchie est renversée et l’Assemblée adopte la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Ces deux nouvelles Républiques créent le concept de « citoyen », et proclament l’égalité de tous les hommes devant la loi. Ce souffle de libertés nouvelles inspire les libéraux, tant en Espagne qu’en Amérique Latine.

L’élément déclencheur : l’invasion de l’Espagne par la France Napoléonienne

Napoléon Ier, empereur des français, envahit l’Espagne en 1808.

En 1808, Napoléon Bonaparte envahit l’Espagne et remplace le roi Ferdinand VII par son frère Joseph Bonaparte. Les colonies s’interrogent sur l’attitude à adopter face à cette situation imprévue. La souveraineté des domaines espagnols appartient normalement au titulaire de la couronne espagnole. Faut-il alors reconnaître Bonaparte comme étant le nouveau monarque et lui prêter allégeance ? Faut-il au contraire considérer que Ferdinand VII est le seul souverain légitime, et résister jusqu’à son retour au trône ?

Au départ, personne ne cherche officiellement à se soustraire à l’autorité de la monarchie espagnole. Mais ne nous y trompons pas : comme toujours en période de flou politique, chacun essaye de tirer son épingle du jeu (ou de sauver sa tête) au gré des apparences. C’est ainsi qu’en Espagne, pendant que le peuple impose la guérilla aux français, les notables se réunissent en Conseils à Aranjuez, puis à Cádiz. Officiellement, leur objectif est d’organiser les territoires espagnols libres, de lutter contre les français, et de permettre le retour de Ferdinand VII. Dans le fond, leur démarche est clairement libérale et ils espèrent bien profiter de la situation pour suivre l’exemple français, mettre fin à l’absolutisme et rendre le pouvoir au peuple.

Du côté de la Nouvelle-Espagne, les créoles concluent que le moment est peut-être enfin arrivé pour eux de se libérer de la tutelle de la métropole et de constituer un gouvernement autonome : en l’absence du roi, le pouvoir revient naturellement au peuple. Ils proposent la création d’un Conseil indépendant localisé à Mexico qui serait dirigé par José de Iturrigaray, le Vice-Roi espagnol de l’époque. Si Iturrigaray se dit séduit par l’idée, c’est avant tout parce qu’elle lui permettrait de rester à la tête de la Nouvelle-Espagne. Les péninsulaires quant à eux craignent de perdre leur hégémonie vieille de trois siècles au profit des créoles et s’opposent à tout changement politique. Ils montent un coup d’état contre Iturrigaray qu’ils qualifient de traître et le font remplacer.

Les Conseils qui se tiennent en Espagne laissent complètement de côté les colonies : si le 22 janvier 1809 ils leur reconnaissent le droit d’être représentés puisqu’ils font partie intégrante de la monarchie, ils ne leur octroient que neuf sièges pour tout le continent américain, contre trente-six pour la péninsule.

Les partisans de l’autonomie de la Nouvelle-Espagne ont perdu l’espoir d’obtenir gain de cause par la voie pacifique. Des groupes de conspirateurs commencent à voir le jour et à s’organiser.

Les conjurés de Queretaro

Ignacio Allende, capitaine dans l’armée de la Nouvelle-Espagne, est l’un des grands instigateurs de la conspiration de Queretaro.

A Queretaro, un groupe d’intellectuels, d’officiers militaires et de membres du bas-clergé se réunissent chez le magistrat Jose Miguel Dominguez et son épouse Josefa Ortiz afin de préparer un possible soulèvement populaire. Parmis eux, on compte Ignacio Allende, un capitaine créole de l’armée espagnole, Juan Aldama et Miguel Hidalgo y Costilla, curé de la ville de Dolores. Hidalgo est invité par Allende à participer aux discussions parce que les conjurés pensent que pour réussir, il leur faut prendre en compte le fanatisme religieux du peuple mexicain. L’appui d’un homme d’église ayant de bonnes relations avec de hauts membres du clergé est donc indispensable et le profil d’Hidalgo, érudit, idéaliste et libertaire, semble adéquat.

On parle aussi dans ces réunions du retour au trône d’Espagne de Ferdinand VII. Non pas parce que le retour d’un régime monarchique serait souhaitable, mais parce que pour l’instant il leur faut trouver une « cause » (bref, une excuse) qui puisse fédérer un maximum de personnes et le groupe ne pense pas que le soulèvement soit possible sans y inclure le roi.

Les conjurés avaient prévu de démarrer le mouvement d’indépendance le 2 octobre parce que ce jour correspondait à une fête religieuse (jour de San Juan de los Lagos) mais ils sont trahis et découverts. Depuis Queretaro, Josefa Ortiz trouve le moyen d’avertir Ignacio Pérez, qui à son tour prévient Aldama. Ensemble, ils se dirigent vers Dolores en pleine nuit, où se trouvent Allende et Hidalgo. Celui-ci décide qu’il faut immédiatement déclencher l’offensive.

Le début du mouvement d’indépendance: « El Grito de Dolores »

Le 16 septembre 1810 à cinq heures du matin, Hidalgo fait sonner la cloche pour appeler la population de Dolores à la messe. A l’arrivée de celle-ci, il harangue la foule en s’écriant : « Vive la Vierge de Guadalupe ! Vive Ferdinand VII ! A mort le mauvais gouvernement (celui de Napoléon) ! ». Il incite ses paroissiens à se soulever contre les espagnols et leur gouvernement provisoire, qu’il accuse de vouloir remettre le royaume aux français libertins, ce qui en plus d’une traîtrise mettrait la religion en péril. C’est démagogique, mais ça marche : l’assistance répond à l’appel d’Hidalgo et le suit. Le mouvement d’Indépendance du Mexique est lancé. Cet événement est commémoré chaque année par les mexicains sous le nom de « El Grito de Dolores ».

Statue en hommage à Miguel Hidalgo y Costilla, « Le Père de la Patrie », sur la place principale de la ville de Dolores.

Cliquez ici pour découvrir comment les mexicains célèbrent le « Cri de l’Indépendance », puis ici pour voir cette tradition en images (photos et vidéo).

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